S’agit-il d’un nouveau rebondissement qui contribuera à la résolution de la crise sociale et politique en Tunisie ? En tout cas, cette signature était inattendue, alors que tous les observateurs de la scène nationale faisaient état d’une froideur au niveau des relations entre le gouvernement et la centrale syndicale. Que signifie ce nouveau pas ? Comment l’interpréter ? Et quelles seront ses répercussions ?
Aucune information n’avait fuité concernant cette décision, jusqu’à ce que la Cheffe du gouvernement, Najla Bouden, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Noureddine Taboubi, et le président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), Samir Majoul, signent vendredi dernier au Palais du gouvernement à La Kasbah un pacte social.
Il s’agit du « contrat de persévérance pour affronter les défis sociaux, économiques et financiers exceptionnels avec toutes leurs composantes et pour soutenir la souveraineté nationale et l’indépendance de la décision nationale», indiquait un communiqué de La Kasbah.
«Les trois partenaires sociaux ont convenu de tenir des séances de dialogue, à partir d’aujourd’hui lundi, pour parvenir à des accords bilatéraux ou tripartites concernant certains dossiers liés aux prestations sociales et aux réformes économiques attendues. Les signataires ont estimé qu’il n’est pas difficile de surmonter les circonstances actuelles car l’histoire a démontré que la Tunisie a toujours réussi à faire face aux crises les plus graves grâce aux efforts concertés de tous les Tunisiens et au souci de faire prévaloir l’intérêt suprême du pays», lit-on de même source.
Les trois parties ont affirmé qu’«elles sont pleinement convaincues qu’un dialogue constructif entre les partenaires sociaux, basé sur la confiance, la transparence et l’esprit de responsabilité, est la seule issue à la crise que connaît la Tunisie».
La présidence du gouvernement a indiqué, dans ce sens, que l’expérience tunisienne est considérée comme l’une des expériences pionnières dans le domaine du dialogue social, le contrat social étant un acquis important qui reflète la maturité et les relations de haut niveau entre les parties sociales au sein d’un cadre institutionnel distingué.
Et après ?
Au fait, cette signature constitue un nouveau rebondissement sur la scène nationale dans la mesure où nous avons assisté à un blocage entre ces partenaires sociaux, notamment au niveau des négociations sociales. De même, cette signature acquiert sans aucun doute une valeur politique du fait que l’Ugtt avait boycotté le dernier dialogue national et depuis ses relations avec le gouvernement et la présidence n’étaient pas au beau-fixe.
Ce nouveau pacte social aura des répercussions directes sur la poursuite des négociations sociales entravées par le contexte politique. Après plusieurs semaines d’interruption, ces négociations sur les augmentations salariales et sur les accords sectoriels seront en effet boostées par un tel rebondissement. D’ailleurs, le ministre des Affaires sociales, Malek Ezzahi, avait prédit un retour à la table des négociations. «Le dialogue entre les deux parties n’a jamais été rompu, en témoignent les réunions quotidiennes entre les comités de l’emploi, des relations professionnelles et l’inspection générale du travail et de la réconciliation», a-t-il affirmé.
C’est aussi ce que confirme le premier responsable de la Centrale syndicale, Noureddine Taboubi. Le secrétaire général de l’Ugtt a indiqué que sa réunion avec la Cheffe du gouvernement, Najla Bouden, et le président de l’Utica, Samir Majoul, à la Kasbah ne s’inscrit pas seulement dans le cadre de la signature d’un nouveau contrat social, mais aussi en préparation à un dialogue social.
«La Tunisie a une expérience pilote en matière de dialogue social (…) Des accords communs seront abordés dans le cadre du Conseil national de dialogue social (…) Des sessions de dialogue entre le gouvernement, l’Ugtt et l’Utica vont commencer à partir de lundi (Ndlr : aujourd’hui) pour trouver des solutions aux dossiers économiques et sociaux», a-t-il dit.
Pour sa part, l’Utica se penche sur les réformes économiques et fiscales. En effet, vu la conjoncture internationale, qui subit de plein fouet les effets conjugués de la pandémie et de la guerre en Ukraine, le patronat réitère la nécessité d’accélérer les réformes structurelles qui sont devenues un besoin vital pour la Tunisie et pour remettre sur pied son économie.
Parmi les réformes à engager, la centrale patronale cite la rationalisation de la compensation pour qu’elle soit octroyée aux bénéficiaires, la réforme des entreprises publiques, la souveraineté alimentaire, sanitaire et énergétique, le développement numérique, la libéralisation de l’investissement, notamment dans les énergies renouvelables.
L’Utica a également souligné l’importance de parvenir à un accord de coopération avec le Fonds monétaire international (FMI). Et d’exprimer son soutien aux efforts du gouvernement tunisien, en insistant sur l’importance d’engager des réformes structurelles financières, économiques et sociales dont le pays a besoin.
Effectivement, ce pacte social qui marque un rapprochement entre les partenaires sociaux contribuera à accélérer les négociations avec le FMI dans l’objectif d’obtenir une nouvelle ligne de crédit indispensable pour les équilibres financiers de l’Etat. Car cette institution financière avait toujours exigé un rapprochement notamment entre le gouvernement et la centrale syndicale au sujet des réformes pour pouvoir avancer dans les négociations d’octroi d’une nouvelle ligne de crédit.